Jour 3 de Martha en mission — la Mission d’observation des élections en Ukraine du BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme) de l’OSCE (l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).
Je suis maintenant à Odesa (graphie ukrainienne) ou Odessa (graphie russe). Je souligne cette différence orthographique, qui semble bien anodine, mais qui en fait elle illustre un enjeu important de l’Ukraine d’aujourd’hui : la cohabitation entre les Ukrainiens de souche et les Russes de souche, entre les ukrainophones et les russophones, dans ce qui est, sur le plan politique à tout le moins, un pays relativement jeune comme l’Ukraine. La relation entre l’Ukraine et la Russie, la dimension Ukraine‑Russie tout entière, représente le principal enjeu de l’élection présidentielle, dont la ronde finale se tiendra demain, le 7 février 2010. La nature des relations que l’Ukraine devrait avoir ou ne pas avoir avec la Russie est au premier plan. Et demain, les Ukrainiens décideront lequel des candidats saura traiter cette relation de la manière la plus bénéfique pour le pays : Yulia Tymoshenko, figure de proue de la « révolution orange » et actuelle première ministre, ou Viktor Yanukovych, ce frauduleux « gagnant » de 2004 qui a été destitué.
Pour le meilleur ou pour le pire, l’Ukraine ne peut se passer de la Russie pour de multiples raisons comme l’histoire, l’économie, les gazoducs approvisionnant l’Europe et les pressions exercées par les nouveaux et riches oligarques. L’Ukraine est inextricablement liée à la Russie et elle est dépendante de cette relation, que les Ukrainiens le veuillent ou non.Nombre d’observateurs voient cela comme un pas en arrière pour l’Ukraine, comme une preuve de « l’échec » de la révolution orange. Consultez les articles de Doug Saunders parues dans le Globe and Mail et intitulés : « Les effets de la révolution orange s’estompent complètement, la Russie reprenant sa place en Ukraine », http://www.theglobeandmail.com/news/world/the-orange-revolution-fades-to-black-as-russia-rises-again-in-ukraine/article1429207/ et son article précédent : « L’Ukraine s’apprête à aller aux urnes, abandonnant ses espoirs », http://www.theglobeandmail.com/news/world/ukraine-marches-to-polls-leaves-hope-behind/article1458599/. Dans ce dernier article, M. Saunders a écrit : « L’élection présidentielle de demain, la première depuis la révolution orange, marque bien, pour les Ukrainiens, une annulation de tous les acquis de celle-ci. »
Personnellement, je ne suis pas d’accord.
Beaucoup d’Ukrainiens ont appuyé la révolution orange parce qu’il avait été déterminé qu’à la première élection tenue en 2004, le russophile Viktor Yanukovych avait été élu frauduleusement (grâce à la présence d’observateurs internationaux, ce que je suis maintenant). Aux termes d’une nouvelle élection honnête, le partisan de la révolution orange Viktor Yushchenko a été élu à la présidence. Certes, nombreux étaient ceux qui souhaitaient voir la fin de l’influence et de la maîtrise russe. Cependant, l’important était que l’élection frauduleuse avait été annulée, CECI est le résultat de la révolution orange.
Après des débuts cahoteux, la démocratie s’est implantée avec succès.
On ne mesure pas la victoire de la démocratie par le fait que le candidat de son choix l’emporte. On la mesure plutôt par le fait que c’est le candidat qui remporte honnêtement le plus de voix qui gagne. Même si certains électeurs n’approuvent pas les politiques qu’il défend, ni même la direction qu’il veut donner à leur pays. À la fin de son mandat, si les électeurs déterminent qu’il n’était pas acceptable, après tout, ils n’ont qu’à voter contre lui la prochaine fois.
La tenue d’élections honnêtes en 2004 et subséquentes ainsi que le maintien d’une démocratie ouverte sont les plus grands succès de la révolution orange. Et, même si les électeurs sont déçus de la révolution orange et de son incapacité à remplir notamment ses promesses économiques, on estime que la première ronde de l’élection tenue le 17 janvier s’est, en grande partie, déroulée de façon honnête et que ses résultats sont légitimes. Le simple fait que les médias peuvent s’exprimer librement, que les candidats tiennent des rassemblements monstres et, surtout, qu’un débat ouvert et souvent vigoureux entre les gens est ouvert– serveuses, avocats, chauffeurs de taxi, gens d’affaires, réceptionnistes d’hôtel – témoigne, à mon avis, que la révolution orange a, en grande partie, réussi.
Ce n’est peut-être qu’une étape, mais l’atteinte d’un tel niveau de démocratie est certainement un grand succès qui suscite de l’espoir pour l’avenir de l’Ukraine.
Nous espérons tous que le scrutin de demain remplira cette promesse.
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